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EROS MEDECIN
 

 

 

 

 

 

 
    La possession, remède défendu
   
    Pour guérir la mélancolie amoureuse le premier remède est incontestablement, selon du Laurens et la tradition médicale, la possession de l'objet aimé. " Il est certain qu'en ôtant la cause principale du mal, qui est cet ardent désir, le malade se trouvera infiniment allégé, encore qu'il reste quelque impression au corps. " Erisistrate, ayant découvert au roi Séleuque la passion de son fils pour sa femme, " sauva la vie à ce jouvenceau, car le père ayant compassion de son fils et le voyant en extrême danger, lui permit, comme païen, de jouir de sa femme propre ". Méthode quasi interdite au chrétien, qui ne peut l'employer que s'il peut épouser l'objet de son désir. Pour lui, la passion amoureuse s'avère d'autant plus dangereuse qu'il ne peut s'en délivrer que par les remèdes incertains de la médecine.
   
    A son malade, du Laurens n'accorde pas même le droit à la guérison par la possession imaginaire qu'il rapporte dans la " plaisante histoire d'un jouvenceau d'Egypte ", amoureux fou d'une courtisane trop chère pour lui. " I1 arriva que ce pauvre amoureux songea une nuit qu'il tenait sa maîtresse entre ses bras, et qu'elle était en sa puissance. Comme il fut éveillé, il sentit cette ardeur qui l'allait consumant du tout refroidie. " La belle lui fit un procès pour avoir abusé d'elle sans la payer. Le juge décida sagement que le jeune homme " apporterait une bourse pleine d'écus et qu'il la verserait dans un bassin, et que la courtisane se paierait du son et de la couleur des écus ". Elle protesta que si la possession avait été imaginaire, il n'en avait pas été de même de la jouissance et de la guérison. La médecine du temps aime les anecdotes savoureuses et les cas exceptionnels. Mais du Laurens conclut doctement qu'on ne peut ni ne doit user de tels moyens, contraires aux " lois divines et humaines ".